NewAstv, plus qu'un médium, un compagnon
New AsTV: Une bonne communication grâce au professionnalisme d'une équipe
New AsTV: Vous y êtes, ne naviguez plus
New AsTV pour mieux communiquer en diplomatie
New AsTV: Savourez votre plaisir à communiquer
New AsTV: Ne vous en laissez pas compter
New AsTV: Vous êtes au cœur de l'événement
New AsTV, et la coopération bilatérale devient facteur de développement des peuples
New AsTV: Notre concept, la communication en partage
New AsTV: Partenaire au développement culturel africain

« Le massacre d’Ogossagou est la conséquence de la perte de contrôle de l’Etat malien sur les milices »


« Le massacre d’Ogossagou est la conséquence de la perte de contrôle de l’Etat malien sur les milices »
La région de Gourma dans le centre du Mali, le 28 mars 2019. | PHOTO: DAPHNE BENOIT / AFP
L’universitaire Youssouf T. Sangaré analyse la situation sécuritaire du Mali et la montée en puissance d’un islam politique.
 
Tribune. Le 23 mars, plus de 160 habitants du village d’Ogossagou, essentiellement des Peuls, furent massacrés. Les soupçons ont rapidement porté sur une milice de chasseurs dogon, dénommé Dan Nan Ambassagou, qui a rapidement démenti toute implication. Une enquête est en cours et plusieurs voix pressent le gouvernement malien de faire la lumière et de punir les coupables de ce massacre. D’autres vont plus loin en criant au « nettoyage ethnique », voire au « génocide ».
 
Dans une tribune, publiée sur le site de la Dépêche du Mali et Malijet une semaine après les faits, Adame Ba Konaré, historienne et ancienne première dame du Mali, parle ainsi d’un « nettoyage ethnique », d’une attaque visant « la communauté peule » ou encore des « morts pour avoir été Peuls ». Même si elle refuse, comme le suggèrent certains, d’armer les Peuls contre les Dogon, sa tribune tant davantage à enfermer « les Peuls » dans une « peulitude », une sorte d’identité exclusive, qu’à ouvrir des pistes de réflexion critique sur les raisons d’un tel événement tragique au Mali.
 
Sous-traitance de la sécurité nationale
 
Parler de « nettoyage ethnique » ou de « conflit ethnique/intercommunautaire », c’est, en effet, détourner le regard sur la faillite de l’Etat malien en la matière. Incapable, en 2014, de lutter contre les groupes islamistes du nord du pays, puis du centre, l’actuel chef de l’Etat et sa majorité ont favorisé la création ou la réactivation de mouvements d’autodéfense. A l’époque, Ibrahim Boubacar Keïta, le chef de l’Etat malien, préférait parler de « forces patriotiques » au service de la nation. Or, réinvestissant le terrain en l’absence de toutes institutions étatiques, ces milices vont se former sur une base identitaire et exclusive d’une nature nouvelle : des milices songhaï défendant (ou prétendant défendre) les Songhaï ; des milices touareg pour les Touareg, etc. L’Etat malien a ainsi confié l’une de ses prérogatives régaliennes à des milices, sans que l’on sache précisément les sources de financement de celles-ci ni encore moins leurs règles précises de fonctionnement.
 
 
 
Pourtant plusieurs faits graves auraient pu alerter les autorités maliennes pour réagir et remettre en question cette sous-traitance de la sécurité nationale à des groupes évoluant hors de tout cadre normatif. De nombreuses exactions, pour s’emparer du bétail ou d’autres biens matériels de populations locales sans défense, sont à inscrire au pedigree de ces milices entre 2014 et 2018. Ces exactions ont donné lieu à un rapport détaillé de l’organisation non gouvernementale Human Right Watch sous le titre « Avant, nous étions des frères ». A ce jour, les autorités maliennes n’ont apporté aucune réponse concrète aux faits graves mentionnés dans ce rapport.
 
D’une certaine manière ce silence se comprend. Le rapport montre, implicitement, comment les milices, à l’identité parfois invérifiable, ont peu à peu échappé à tout contrôle de l’Etat. Des milices qui se battent aujourd’hui entre elles pour avoir le contrôle des ressources pastorales et en tirer les bénéfices qui en découlent. Le massacre des villageois d’Ogossagou est la conséquence directe de cette situation.
 
Ainsi, pour comprendre la situation sécuritaire et politique au Mali, il vaut mieux ne pas se tromper de grille de lecture. Les thèses d’un « conflit ethnique » sont certes séduisantes mais loin de la complexité du champ politique, sécuritaire et religieux de ce pays. Sur le terrain religieux, en effet, l’Etat malien n’a pas uniquement cédé du terrain sur le plan sécuritaire, il est aujourd’hui confronté à la contestation des religieux. Dans plusieurs grandes villes au sud du pays, et surtout dans la capitale Bamako, des marches sont organisées pour exiger la démission du premier ministre. Ces marches ont lieu à l’initiative de Mahmoud Dicko, président du Haut Conseil islamique (HCI), et du puissant chef religieux Mohamed Ould Bouyé Haïdara (aussi appelé « le chérif de Nioro »). Ils accusent le premier ministre, Soumeylou Boubèye Maïga, et le chef de l’Etat, Ibrahim Boubacar Keïta (IBK), de promouvoir des valeurs contraires à l’islam et de ne pas être attentifs aux opinions des grands imams du pays.
 
 
 
Cette contestation du pouvoir politique par des religieux a connu un tournant lorsque, le 10 février, dans un stade et devant plus 60 000 fidèles, l’imam Mahmoud Dicko invita chaque Malien et Malienne à prendre ses responsabilités lors des futures élections. Qu’est-ce à dire ? C’est de voter, indiqua-t-il, pour un « candidat musulman ». Il posa ainsi la première pierre vers une confessionnalisation du fait politique au Mali. C’est là l’aboutissement d’une longue lutte entre wahhabites et partisans d’un islam modéré au Mali. Proche de l’Arabie saoudite, Mahmoud Dicko est le représentant du courant wahhabite au Mali. Or, depuis 1968, sous la dictature militaire du général Moussa Traoré, le Mali est une terre de chasse pour les wahhabites. Financement de mosquées, prosélytisme dans des villages reculés sous couvert d’humanitaire, mise en place de bourses d’étude, etc., les stratégies de diffusion du wahhabisme au Mali recouvrèrent ainsi plusieurs facettes.
 
C’est ce que Pierre Conesa appelle, dans une expression poétique, « la diplomatie religieuse saoudienne ». Aujourd’hui, celle-ci peut compter sur le président du Haut Conseil islamique, en l’occurrence Mahmoud Dicko qui, en 2015, alors que plusieurs personnalités dénonçaient l’islam wahhabite comme matrice de l’islamisme, déclara : « Le djihadisme est une création des Occidentaux et de la France afin de recoloniser le Mali. »* Il refusa, par conséquent, de condamner les groupes djihadistes qui faisaient régner la terreur à Tombouctou et dans d’autres villes du nord au nom de la charia – la loi islamique.
 
Face-à-face des islams
 
Quoi qu’il en soit, face à ce discours confessionnalisant, le chef de l’Etat et la majorité présidentielle s’appuient, eux aussi, sur une figure de l’islam malien et ouest-africain : Cherif Ousmane Madani Haïdara. Chef du mouvement Ansar Eddine, très écouté par ses nombreux fidèles, il refuse de suivre le Haut Conseil islamique dans sa critique du gouvernement. Mieux, Haïdara préfère tabler sur une structure rivale, le Groupement des leaders spirituels musulmans du Mali (GLSM), pour appeler à la paix et, ainsi, ménager le gouvernement. Pourtant, en mars 2017, il déclarait : « Le gouvernement malien n’accorde pas assez d’importance aux religieux dans la résolution de la crise. » Ayant gracieusement reçu, en décembre de la même année, un titre foncier de 150 hectares de la part du président malien, le guide spirituel de l’organisation Ansar Eddine modère désormais ses griefs.
 
 
 
La situation politique au Mali est donc la suivante : tandis que les partis d’opposition s’appuient sur Mahmoud Dicko pour réclamer une nouvelle ère politique, la majorité présidentielle trouve un recours et une légitimité religieuse dans la figure de Cherif Ousmane Madani Haïdara (GLSM). Ce face-à-face des islams, celui du clan de Dicko (proche de l’Arabie saoudite) et celui de Haïdara (partisan d’un islam non wahhabite), est déjà un indice sérieux sur la politisation galopante de l’islam au Mali. C’est aussi le signe de la puissance et de l’influence acquises ces dernières décennies par les chefs religieux. La politisation de l’islam, qui trouve aussi ses expressions sur les ondes des nombreuses radios privées à Bamako où les uns et les autres s’envoient des anathèmes en tout genre, relègue au second plan les questions sociales, l’insécurité grandissante dans tout le pays, la crise de l’école malienne (une année blanche se profile), le chômage de masse (qui touche une jeunesse dynamique et qui a, jusqu’ici, refusé de répondre à l’appel des groupes islamistes à rejoindre leurs rangs) ; etc.
 
La nouvelle ère politico-religieuse qui s’annonce au Mali est, de fait, des plus incertaines et inquiétantes. Penser, comme le fait la France (avec l’opération « Barkhane ») et l’ONU (avec la Minusma), qu’il suffirait d’envoyer des militaires au Mali pour rétablir la sécurité et la démocratie résulte d’une mauvaise lecture de cette situation complexe. Le combat contre les mouvements radicaux ne peut se faire sans tenir compte de la lutte idéologique qui se joue dans les coulisses et qui, en quelques années, a radicalement modifié le paysage islamique du Mali. Cette lutte est à mener sur plusieurs fronts : faire face au wahhabisme ; contrôler les activités des nombreuses organisations islamiques ; construire une politique de formation visant les madrasas ; œuvrer pour une meilleure inclusion des populations du nord ; etc.
 
Seules les autorités en place au Mali doivent prendre ici l’initiative et avoir le courage politique de s’attaquer à ces questions épineuses. Rompre avec la mécanique clientéliste, dans le domaine diplomatique et vis-à-vis du champ religieux, serait déjà une première étape douloureuse mais indispensable pour poser les bases d’un Etat véritablement soucieux du destin de ses populations, particulièrement de sa jeunesse.

 Commentaires

LIRE AUSSI...

En Mauritanie, une mission d’Amnesty International refoulée à l’aéroport de Nouackchott

En Mauritanie, une mission d’Amnesty International refoulée à l’aéroport de Nouackchott
Jeu 21 Mar 2019 | Source : lemonde.fr ... | dans Autres Actus

L’ONG venait effectuer une mission de recherche sur les droits humains dans le pays où les « séquelles » de l’esclavage, bien qu’abolit en 1981, perdurent.   La police mauritanienne a refoulé, dimanche, à son arrivée à... Lire la suite >

Au Cameroun, l’inquiétant crépuscule du régime Biya

Au Cameroun, l’inquiétant crépuscule du régime Biya
Dim 17 Mar 2019 | Source : lemonde.fr ... | dans Autres Actus

Emprisonnement du principal opposant, conflit armé dans les régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest : le pouvoir multiplie les signes de raidissement.   Passer inaperçu tout en se rendant indispensable. Depuis son accession à la tête du Cameroun... Lire la suite >

Algérie : les 4 pièges à éviter pour la « révolution du sourire »

Algérie : les 4 pièges à éviter pour la « révolution du sourire »
Dim 17 Mar 2019 | Source : afrique.lepoint.fr ... | dans Autres Actus

ANALYSE. Alors que de nouvelles manifestations sont prévues ce vendredi, quels sont les pièges qui semblent guetter ce « sursaut populaire » ?   La question s'est beaucoup posée cette semaine. L'important mouvement populaire contre le régime... Lire la suite >

« La proposition de Bouteflika ? Une duperie politique, une imposture juridique ! »

« La proposition de Bouteflika ? Une duperie politique, une imposture juridique ! »
Mer 13 Mar 2019 | Source : afrique.lepoint.fr ... | dans Autres Actus

ENTRETIEN. Maître de conférences, la politologue Louisa Dris-Aït Hamadouche évalue la nouvelle donne politique algérienne à l'aune du message du président Bouteflika de ce 11 mars.   Sous la poussée de la rue, le président... Lire la suite >

Ethiopie: La visite de Macron donne de l'espoir pour une église vieille de 9 siècles

Ethiopie: La visite de Macron donne de l'espoir pour une église vieille de 9 siècles
Mer 13 Mar 2019 | Source : slateafrique.com ... | dans Autres Actus

Ce mercredi matin de mars, le prêtre Mekonnen Fatne, debout parmi ses fidèles orthodoxes éthiopiens, observe une église vieille de neuf siècles qu'ils craignent de voir détruite à tout moment.   Au-dessus de l'église s'étend... Lire la suite >

Acquitté par la CPI, le Congolais Bemba demande 68 millions d'euros de dédommagement

Acquitté par la CPI, le Congolais Bemba demande 68 millions d'euros de dédommagement
Mar 12 Mar 2019 | Source : slateafrique.com ... | dans Autres Actus

L'ex vice-président congolais Jean-Pierre Bemba, acquitté par la Cour pénale internationale (CPI) de crimes de guerre et de crimes contre l'humanité après près d'une décennie en détention, demande plus de 68 millions d'euros ... Lire la suite >

Bouteflika : la justice suisse va-t-elle instruire une plainte pour « suspicion d'enlèvement » ?

Bouteflika : la justice suisse va-t-elle instruire une plainte pour « suspicion d'enlèvement » ?
Mar 12 Mar 2019 | dans Autres Actus

La question mérite d'être posée alors que, le 25 février, une Algérienne a déposé une plainte pour « suspicion d'enlèvement d'une personne incapable de discernement ».   Le lendemain de l'arrivée... Lire la suite >

Algérie : Abdelaziz Bouteflika serait « sous menace vitale permanente »

Algérie : Abdelaziz Bouteflika serait « sous menace vitale permanente »
Jeu 07 Mar 2019 | Source : http://afrique.lepoint.fr ... | dans Autres Actus

Selon « La Tribune de Genève », en raison d'une dégradation de ses fonctions neurologiques, le président algérien risque d'ingérer des aliments ou des liquides dans les poumons.   Sous le titre « Bouteflika nécessite... Lire la suite >

RDC: l'opposant Martin Fayulu renonce

RDC: l'opposant Martin Fayulu renonce
Jeu 07 Mar 2019 | Source : slateafrique.com ... | dans Politique

L'opposant et candidat malheureux à la présidentielle du 30 décembre en République démocratique du Congo, Martin Fayulu, a annoncé mercredi à l'AFP qu'il ne siègera pas comme député, se considérant comme "président... Lire la suite >

Election présidentielle au Sénégal : confusion générale à l’heure des premiers résultats

Election présidentielle au Sénégal : confusion générale à l’heure des premiers résultats
Mar 26 Février 2019 | Source : lemonde.fr ... | dans Politique

Le premier ministre a désigné le président sortant Macky Sall vainqueur, sans prendre la peine d’attendre les résultats officiels.   C’était une journée de vote paisible dont rien ne laissait présager l’achèvement... Lire la suite >

Elections au Nigeria : dans l’attente des résultats, les deux clans se disent vainqueurs

Elections au Nigeria : dans l’attente des résultats, les deux clans se disent vainqueurs
Mar 26 Février 2019 | Source : lemonde.fr ... | dans Politique

Outre leur président, les Nigérians étaient appelés samedi à désigner 360 députés et 109 sénateurs.   Le comptage des voix entre les deux favoris de la présidentielle au Nigeria, le chef de l’Etat sortant, Muhammadu... Lire la suite >

Présidentielle du Nigeria : et maintenant, place au décompte des voix !

Présidentielle du Nigeria : et maintenant, place au décompte des voix !
Lun 25 Février 2019 | Source : afrique.lepoint.fr ... | dans Politique

C'est dans un calme relatif, malgré seize personnes tuées dans des violences ainsi que des bureaux de vote saccagés dans quelques États, que les membres de la Commission électorale se sont mis au travail pour cette phase décisive de l'élection.   Ce... Lire la suite >

RDC: un mois après, Tshisekedi

RDC: un mois après, Tshisekedi
Lun 25 Février 2019 | Source : slateafrique.com ... | dans Politique

Un mois après son investiture, le nouveau président de la République démocratique du Congo Félix Tshisekedi reste à la merci de son prédécesseur Joseph Kabila, maître du jeu politique grâce à ses majorités à ... Lire la suite >

A Tombouctou, les réfugiés maliens qui reviennent croisent ceux qui partent

A Tombouctou, les réfugiés maliens qui reviennent croisent ceux qui partent
Ven 22 Février 2019 | Source : lemonde.fr ... | dans Autres Actus

Plus de 2 300 Maliens sont rentrés dans la région en 2018, pendant que d’autres continuent de s’enfuir. Le pays accueille aussi des Burkinabés et des Nigériens.   Assis sur son tapis face à ses rangées de bracelets et colliers en ... Lire la suite >

Camp Boiro : l'Auschwitz des Guinéens

Camp Boiro : l'Auschwitz des Guinéens
Ven 22 Février 2019 | Source : afrique.lepoint.fr ... | dans Société

COMPTE RENDU. Ces Mémoires d'une rescapée de la dictature de Sékou Touré relatées par Maïmouna Bâ Maréga révèlent toute la cruauté du premier président de la Guinée ainsi que l'horreur de son système.   «... Lire la suite >

Côte d'Ivoire : Guillaume Soro en orbite pour 2020 ?

Côte d'Ivoire : Guillaume Soro en orbite pour 2020 ?
Mer 20 Février 2019 | Source : http://afrique.lepoint.fr ... | dans Autres Actus

Avec la mise sur pied du Comité politique qu'il qualifie lui-même d'« outil », Guillaume Soro, libéré de sa charge de président de l'Assemblée nationale, pose les bases à partir desquelles il va affronter la tempête politique... Lire la suite >

Vidéo à ne pas rater

Election au PDCI-RDA/ L?appel de Dimbokro
Ven 22 Déc 2023 | dans: Objectif Développement

Nos Partenaires

NOUS SUIVRE

Qui Sommes-Nous?

New AsTV Le développement par la coopération   Servir de canal numérique au développement de l'Afrique par la coopération. Telle est la vision de New AsTV. De fait, nous nous sommes laissés guider par les relations que l'Afrique...

Lire plus

Contacts

Newsletter

FLASH INFOS