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Elikia M’Bokolo : « Mais qu’avons-nous fait de l’indépendance ? »


Elikia M’Bokolo : « Mais qu’avons-nous fait de l’indépendance ? »
L'écrivain et historien congolais Elikia M'Bokolo. | PHOTO: AFP
Propos recueillis par Jean-Pierre Bat (contributeur, Le Monde Afrique)
 
« Expédition Taxi-Maboule », diffusé entre le 2 et 13 février sur France Culture et désormais accessible en podcast ici, raconte comment, en août 1960, douze pays africains proclament leur indépendance. Pour prolonger la réflexion, entretien avec l’historien congolais Elikia M’Bokolo, spécialiste de l’histoire africaine et auteur entre autres de L’Afrique au XXe siècle, le continent convoité.
 
Dans quel cadre s'inscrivent les décolonisations de 1960, entre AOF, AEF et Congo belge ?
Je préfère dire « indépendances » plutôt que « décolonisation ». De fait, aucun des pouvoirs coloniaux n’avait programmé ce qu’en Europe on appelait « décolonisation » et que les programmes d’enseignement et les manuels d’histoire continuent d’appeler de la sorte. Cette impréparation n’est pas le moindre paradoxe des années 1950-1960.
 
Ne parlons pas du Portugal, la plus ancienne puissance coloniale, complètement intoxiqué par le mythe d’une « nation lusitanienne » dont les colonies étaient partie intégrante. La Belgique, longtemps aveugle et sourde, ne s’est résolue à l’indépendance du Congo et du « Ruanda-Urundi » qu’après les émeutes insurrectionnelles de 1959 à Kinshasa : elle le fera dans la précipitation et avec le calcul de ne rien céder sur le fond.
 
Voyez surtout le cas de la France, qui avait déjà été confrontée de longue date à la « situation coloniale », notamment aux Antilles : elle était bien placée pour savoir, comme le dira l’historien Jean-Baptiste Duroselle, que « tout empire périra ».
Il y avait eu le souvenir, douloureux pour la France, de l’indépendance de « la perle des Antilles », Haïti, et des laborieuses négociations qui avaient conduit à l’acceptation par Haïti d’une très lourde indemnité pour « réparer » les pertes subies par les colons esclavagistes : cette dette va peser sur Haïti jusqu’en 1952 !
 
Dans un contexte moins tendu, la France a dû, au lendemain de la deuxième guerre mondiale, reconnaître l’accession à la souveraineté du Liban et de la Syrie, les deux mandats qu’elle avait reçus de la Société des nations après la Grande Guerre. Elle a dû aussi accepter l’indépendance de la Tunisie et du Maroc. C’est vrai qu’il ne s’agissait pas de « colonies » avec ces deux pays, mais simplement de « protectorats » !
 
Au « sud du Sahara », la France ne savait plus où donner de la tête ! La guerre d’Algérie produisait des échos puissants plus au sud. Les soi-disant « tirailleurs sénégalais » avaient été recrutés dans toute l’Afrique noire pour combattre les nationalistes algériens. Mais, grâce notamment aux articles et aux appels du médecin martiniquais Franz Fanon, les Africains suivaient de très près les péripéties d’une guerre qui a fini par devenir leur propre guerre.
 
Enfin, ayant répondu par un « non » au référendum organisé par le général de Gaulle en 1958, la Guinée était devenue de facto indépendante. Cette indépendance, venant après celle du Ghana en 1957, a ouvert la voie à l’ensemble de l’« Afrique française », AOF, AEF, Madagascar compris.
Les Britanniques n’avaient pas, en apparence, la même rigidité. Depuis 1951, les victoires électorales successives de Kwame Nkrumah et de ses partisans les avaient convaincus du caractère inéluctable des indépendances africaines. Dès 1957, la Gold Coast devient indépendante sous le nom de Ghana et va mobiliser toutes les énergies africaines en vue de la libération totale du continent.
 
Comment expliquer le hiatus entre le récit traditionnel d'une indépendance octroyée, autrement dit d'une décolonisation prétendument pacifique, et les violences de l'été 1960 dans lesquelles s'inscrivent finalement l'élimination de figures telles Félix Moumié et Patrice Lumumba ?
Les Anglais avaient trouvé une belle formule « Give and Keep » : « Give », donner les apparences de la souveraineté aux colonies africaines ; « Keep », conserver l’essentiel de la domination coloniale aux plans économique et financier, militaire et sécuritaire, culturel et linguistique. Ces calculs ont d’abord été mis en échec au Kenya où la guerre des Mau Mau (1952-1960), marquée par des violences extrêmes, a fait plusieurs dizaines ou centaines de milliers de morts, selon les spécialistes.
La stratégie britannique a été déjouée ensuite par l’option politique de Kwame Nkrumah. En tournée en Afrique en 1960, le premier ministre anglais Harold Macmillan trouva encore le moyen de qualifier simplement ces mouvements sociaux et politique de « vent du changement en Afrique » : Nkrumah lui rétorqua qu’il s’agissait, au contraire, d’un véritable « ouragan africain » !
 
Deux interprétations absolument antagonistes ! Aux yeux des colonisateurs, il fallait donc, pour arrêter cet « ouragan », se débarrasser d’une manière ou d’une autre des dirigeants « radicaux », accusés aussitôt d’être « communistes » et « à la solde de Moscou » !
 
Engluée dans la guerre d’indépendance de l’Algérie, la France était confrontée à une autre guerre d’indépendance commencée dès 1955 au Cameroun sous l’impulsion de l’UPC (Union des populations du Cameroun). Son leader Ruben Um Nyobe fut assassiné dès 1958. Barthélémy Boganda, le leader du mouvement d’indépendance de l’Oubangui Chari (République centrafricaine), luttait en même temps pour la création d’un grand Etat fédéral réunissant l’Afrique équatoriale française, le Congo Belge, le « Ruanda-Urundi » et l’Angola : il trouva la mort dans un étrange accident d’avion en 1959.
 
L’année 1960 fut encore plus tragique. Félix Moumié, un autre leader de l’UPC, meurt des suites d’un empoisonnement à Genève. Le Congo-Kinshasa, enfin indépendant, est plongé dans le chaos. Patrice Lumumba, le premier chef du gouvernement, un véritable « patriote », se trouve confronté à un véritable complot, fomenté par la Belgique et les services spéciaux occidentaux avec la complicité de quelques politiciens locaux et d’officiers de la « Force publique » coloniale : il finit par être assassiné, avec ses camarades, en 1961.
 
Quelles traces laissent aujourd'hui en Afrique ces décolonisations de l'été 1960 ?
Dans les faits, les Etats africains restent solidement amarrés aux anciennes puissances coloniales aussi bien financièrement et économiquement, que militairement et culturellement.
Dans les esprits, c’est un mélange d’étonnement, de nostalgie, de perplexité et de désenchantement. Il faut souligner que les pouvoirs des Etats indépendants ont tout mis en œuvre pour capter, souvent en la déformant, l’histoire de ces combats qui ont fait de l’Afrique des années 1960 l’un des fers de lance de la libération du tiers-monde. Ces pouvoirs ont tout fait, souvent avec l’aide des anciens puissances coloniales, pour inculquer aux nouvelles générations une histoire déformée de ces combats.
A voir le succès persistant d’Indépendance cha cha et des autres chansons fameuses de cette époque, il est clair, pour la grande majorité, que ces années furent celles de la libération et de la joie d’être enfin indépendant.
 
 
Pourquoi l’étonnement ? L’histoire de ce moment fondateur a été et reste souvent tellement déformée que, lorsque les gens, les jeunes surtout, ont l’occasion d’en percevoir les véritables péripéties et aussi les drames, la réaction reste la même : « Quoi ? Nous avons fait cela ! Nous avons été capables de nous libérer ! C’est extraordinaire ! »
Aussitôt surgissent les interrogations : « Mais, que s’est-il passé depuis ? Pourquoi ces liens de dépendance maintenus avec l’ancienne “métropole” ? Pourquoi toutes ces ingérences plus de cinquante ans après ? Et. »
Le désenchantement ne manque pas au rendez-vous. On l’a bien vu lors des célébrations des « cinquantenaires » des indépendances. Il ne faut pas se tromper sur ce point. Personne ne souhaite le « retour » des colonisateurs. La vraie question reste : « Mais qu’avons-nous fait de l’indépendance ? » Plus exactement : « Qu’avez-vous fait de l’indépendance, de nos espoirs et de nos aspirations, de la condition des peuples africains, vous les dirigeants successifs de nos Etats ? »
 

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