L’ancienne gouverneure générale du Canada Michaëlle Jean, nommée dimanche secrétaire générale de la Francophonie, première femme et première personnalité non africaine à ce poste, est une ancienne journaliste, qui à 10 ans a fui son Haïti natal.

Après une campagne axée sur l’Afrique, les femmes et la jeunesse et sur un rôle économique accru de l’organisation, elle succède au Sénégalais Abdou Diouf à un moment où, selon elle, l’espace francophone vit «un tournant» avec le décollage économique et démographique de l’Afrique subsaharienne.

Dans sa première déclaration après sa désignation, Michaëlle Jean a dit vouloir donner «une nouvelle impulsion à la Francophonie». «Ensemble, traçons le chemin d’une Francophonie moderne et tournée vers l’avenir. La Francophonie du XXIe siècle sera au service et à l’écoute des jeunes et des femmes. Prospère, elle conjuguera l’accroissement des échanges et le développement humain et durable pour tous», a-t-elle promis.

Pour se hisser à la tête de l’OIF, la candidate canadienne a dû lutter contre la tradition voulant que ce poste revienne à une personnalité de l’hémisphère sud, certains y voyant même une chasse gardée africaine, ses deux prédécesseurs - l’Egyptien Boutros Boutros-Ghali et Abdou Diouf - représentant le continent, majoritaire au sein de la Francophonie. 

«Je suis à la fois du Nord et du Sud, toutes les portes me sont ouvertes, je peux parler à tout le monde, je suis reçue par tout le monde, comme femme d’Etat, comme quelqu’un qui a de l’expérience, qui a des idées, qui a une énergie»,déclarait-elle en octobre dans son bureau de l’université d’Ottawa qu’orne une photo la montrant en compagnie de Barack Obama.

Avec son arrivée à l’OIF, Mme Jean va quitter son poste d’envoyée spéciale de l’Unesco en Haïti, qui l’amenait à se rendre dans son île natale plusieurs fois par an pour suivre l’avancée des travaux de reconstruction consécutifs au terrible séisme de janvier 2010.

CRITIQUES AU CANADA 

 Avant d’occuper ce poste onusien, elle avait été gouverneure générale du Canada -représentante de la reine Elizabeth, chef d’Etat en titre- entre 2005 et 2010, ce qui lui avait valu le surnom de «Petite reine». Ancienne présentatrice vedette du groupe audiovisuel public Radio-Canada, Michaëlle Jean avait fait inscrire «Briser les solitudes» sur ses armoiries royales qu’encadraient deux sirènes tirées de la mythologie haïtienne.

Son mandat à la tête de l’Etat canadien a été marqué par des voyages incessants -une quarantaine de pays visités, dont dix en Afrique- ainsi que par des prises de position fortes en symbole, comme en 2009  lorsqu’elle dégusta du phoque cru afin de soutenir les Inuits après l’embargo européen sur cette viande.

Mère d’une fille de 15 ans adoptée en Haïti, Marie-Eden, et mariée au cinéaste d’origine française Jean-Daniel Lafond, elle a dû renoncer à son passeport français en acceptant ses fonctions royales. 

Au moment de sa nomination par le Premier ministre Paul Martin, Michaëlle Jean avait dû d’ailleurs réaffirmer son attachement au fédéralisme canadien. Des extraits d’un documentaire tourné en 1991 portant sur le combat pour l’indépendance, au Québec, en Haïti et en Martinique, avaient en effet refait surface: elle y déclarait«L’indépendance ça ne se donne pas, ça se prend». Dès sa nomination, elle a tenu à «remercier tout particulièrement les gouvernements du Canada, du Québec, du Nouveau-Brunswick et d’Haïti pour leur appui indéfectible à (sa) candidature».

Lors de sa campagne pour la direction de l’OIF, elle a dû affronter des critiques sévères provenant notamment de l’ancien Premier ministre québécois indépendantiste Bernard Landry, l’accusant de manquer d’expérience. «Nous vivons au Canada dans un environnement politique où il y a des forces idéologiques», remarquait-elle, avant de balayer d’un revers de la main ces attaques: «Je viens d’un pays où l’on n’abandonne jamais».