De violents affrontements opposaient mardi l'armée camerounaise à des islamistes armés de Boko Haram, au moment même où une réunion internationale se tenait au Niger contre la montée en puissance du groupe islamiste nigérian considérée comme une sérieuse menace par les pays voisins du Nigeria. En fin de journée, des hommes armés de Boko Haram ont attaqué la localité de Bondéri, dans la région de l'extrême nord au Cameroun, frontalier du Nigeria. "Les combats sont très rudes", a déclaré une source sécuritaire.
Une autre attaque avait été menée dans la région dimanche au cours de laquelle plusieurs dizaines de personnes ont été enlevées, dont une vingtaine libérées à la suite d'une opération de l'armée camerounaise. Depuis le week-end dernier, l'armée tchadienne se déploie également dans la zone.
Très offensif, le président tchadien Idriss Déby, qui a appelé à une large coalition régionale, a clairement affiché sa volonté de reprendre la ville stratégique de Baga, située dans le nord-est du Nigeria, sur les rives du lac Tchad, tombée aux mains du groupe islamiste début janvier.
Treize pays africains et non africains participaient mardi à Niamey à une réunion consacrée à la lutte contre les islamistes de Boko Haram, qui gagnent du terrain et menacent de déstabiliser les trois pays frontaliers du nord-est du pays. À cette réunion, le Nigeria a manifesté son mécontentement après le retrait des contingents nigériens et tchadiens avant la sanglante offensive menée début janvier par Boko Haram contre la ville de Baga. Les membres de Boko Haram s'étaient emparés à cette occasion de la base de la force régionale formée pour lutter contre eux alors que le Tchad et le Niger en avaient retiré leurs soldats.
"Je note avec consternation le retrait des contingents militaires du Tchad et du Niger sans consultation préalable", a déclaré mardi l'ambassadeur du Nigeria au Niger, Aliou Issa Sokoto. "Comme nous l'avons découvert à notre énorme déception, ce retrait a été suivi par une énorme attaque de Boko Haram contre la base opérationnelle" de la force régionale, a-t-il ajouté.
À plusieurs reprises ces derniers mois, les pays voisins du Nigeria ont critiqué le choix de Baga, au milieu des fiefs de Boko Haram, comme base de déploiement de la force régionale. Ils se sont également amèrement plaints du peu de combativité de l'armée nigériane et de désertions en masse face aux islamistes de Boko Haram.
Une coopération militaire avait été actée fin 2014 entre les pays membres de la Commission du bassin du lac Tchad (CBLT, qui comprend Cameroun, Niger, Nigeria et Tchad). Mais la force régionale, composée de 700 militaires issus de chacun des 4 pays ainsi que du Bénin, voisin du Nigeria, peine à se matérialiser.
La réunion dans la capitale nigérienne aspire à corriger cette tendance alors que Boko Haram a pris le contrôle de vastes territoires du nord-est du Nigeria et multiplie les incursions au Cameroun voisin.
La montée en puissance de Boko Haram traduit "notre lenteur et notre incapacité à lui opposer une réponse robuste", a observé le ministre nigérien des Affaires étrangères Mohamed Bazoum, pour qui "la situation sécuritaire au Nigeria et dans le bassin du lac Tchad s'est considérablement dégradée".
L'attaque début janvier contre la ville de Baga et plusieurs localités des rives du lac Tchad est "la plus grande et la plus destructrice" des six années d'insurrection de Boko Haram et a fait "des centaines" de morts, voire plus, selon Amnesty International.
La procureur de la Cour pénale internationale (CPI), Fatou Bensouda, a annoncé mardi dans un communiqué que ses services "rassemblaient des informations" sur l'attaque, qualifiant les derniers développements d'"escalade inquiétante" de la violence.
L'insurrection de Boko Haram a fait plus de 13 000 morts au Nigeria et 1,5 million de déplacés depuis son début en 2009.
L'engagement tchadien dans le conflit a été qualifié par le Niger d'"évolution positive la plus significative" dans la lutte menée jusqu'à présent contre les islamistes nigérians. La décision tchadienne est "tout à fait légitime", "il fallait qu'il y ait des réactions sur-le-champ", des "réactions naturelles, de légitime défense", a estimé Hiroute Guebre Sellassie, l'envoyée spéciale des Nations unies pour le Sahel, mardi à Dakar. "Les choses pressent, on ne pouvait pas attendre la mise en place formelle d'une force régionale", a-t-elle analysé.
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