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René Lefort : « L'Éthiopie est sur un point de bascule »


René Lefort : « L'Éthiopie est sur un point de bascule »
Zacharias Abubeker/AFP | PHOTO: Manifestations d'Oromos, le 1er octobre 2017, à Bishoftu
DÉCRYPTAGE. Contestation sociale, difficultés économiques, démission du Premier ministre. L'Éthiopie semble être dans une mauvaise passe. Qu'en est-il vraiment ?
PROPOS RECUEILLIS PAR MARLÈNE PANARA
 
Il a surpris tout le monde. En décrétant l'état d'urgence pour une durée de six mois le 16 février dernier, le ministre de la Défense Siraj Fegessa a coupé court à toute autre solution. Une décision qui intervient dans un contexte sociopolitique très incertain. Les manifestations antigouvernementales qui font le quotidien du pays depuis presque trois ans, la démission du Premier ministre – quelques semaines après qu'il a décidé la libération de prisonniers politiques –, sont autant de péripéties qui plongent l'Éthiopie dans l'inconnu et menacent son économie, une des plus dynamiques d'Afrique. René Lefort, chercheur indépendant et spécialiste du pays, a répondu aux questions du Point Afrique.
 
Le Point Afrique : Le conseil des ministres a décrété l'état d'urgence vendredi dernier. Pour quelles raisons ?
 
René Lefort : Il est très difficile de répondre à cette question, car ce qu'il prévoit est relativement flou. Les autorités sont dans une espèce de négociation globale sur un peu tous les sujets, dont la nomination d'un futur Premier ministre, une réorganisation de l'armée ou encore des réformes économiques en cours. Cela dit, on peut comprendre l'établissement de l'état d'urgence de deux manières : soit on le voit comme une répétition de celui décrété en 2016, qui n'avait d'ailleurs pas eu un grand effet et qui était clairement utilisé pour parer à la protestation politique, soit on l'appréhende comme un moyen de contrôler les « excès » de la protestation, à savoir les blocages de route, les destructions de biens ou encore les manifestations qui dégénèrent en quasi-pogroms, où des minorités sont prises à partie par des majorités ethniques.
 
En fait, pour savoir si l'état d'urgence est un outil politique ou bien un instrument de maintien de l'ordre, il faudra attendre quelque temps et surveiller sa mise en œuvre. Si par exemple les manifestations calmes continuent et que, contrairement à ce qui s'est passé auparavant, les forces fédérales ne réagissent pas avec une violence disproportionnée, on pourra dire que l'état d'urgence n'avait pas pour motif principal la répression politique. Là, on est dans une phase de reconstruction politique totale qui nous plonge dans l'inconnu. L'Éthiopie est sur un point de bascule, et les semaines qui viennent nous en diront un peu plus sur la situation du pays : le régime sera-t-il capable de s'amender ou essaie-t-il, par des moyens détournés, de prolonger le statu quo ?
 
Le Premier ministre Haile Mariam Dessalegn a démissionné le 15 février dernier. © AFP
 
Comment comprenez-vous la démission du Premier ministre Haile Mariam Dessalegn, le 15 février dernier, dans un tel contexte ?
 
Pour moi, deux facteurs ont précipité sa décision. La première, c'est son impuissance face à la division de l'EPRDF. Il n'avait plus de contrôle sur la coalition, plus d'influence. Il ne voulait pas faire semblant de gouverner alors qu'il ne pouvait plus le faire. Il ne voulait pas non plus être le Premier ministre d'un pays qui pourrait s'effondrer, se disloquer. Autre raison de sa démission : forcer l'EPRDF à retrouver un minimum de cohésion autour d'un nouveau Premier ministre et d'un nouveau gouvernement. En ce sens, il a donné un coup de pied dans la fourmilière.
 
Les États-Unis ont exprimé leur désaccord sur l'établissement de l'état d'urgence via un communiqué...
 
C'est d'une stupidité totale. Il n'y a pas plus contre-productif que ce type de communiqué. Aucun pays africain n'est aussi chatouilleux sur sa souveraineté que l'Éthiopie. Le fait que le pays n'ait jamais connu la colonisation est le pilier de sa fierté nationale. Ce genre de réactions pourrait donner du grain à moudre aux partisans d'un état d'urgence dur. « L'attaque » américaine pourrait être prise comme justification : « Voyez, la première puissance mondiale nous attaque, donc nous sommes dans la bonne direction. » Ce communiqué prouve une méconnaissance totale de la culture éthiopienne, et en plus il n'aura que très peu de répercussions. L'influence extérieure sur le gouvernement éthiopien est extrêmement faible, contrairement à ce que l'on pourrait croire. À ce sujet, l'Union européenne a été beaucoup plus intelligente.
 
L'opposition pourrait-elle profiter de la situation actuelle pour se faire entendre ?
 
Je ne pense pas, car ils n'en ont pas la force. Mais la situation politique est compliquée, car le principal parti d'opposition aujourd'hui, l'Organisation démocratique du peuple Oromo (ODPO), fait partie de la coalition au pouvoir. La force principale du changement vient de la coalition elle-même. Les autres partis d'opposition sont tellement faibles et tellement fragmentés qu'ils ne pèsent pas lourd dans la balance.
 
Dans le contexte actuel, comment expliquez-vous l'amnistie de plusieurs centaines de prisonniers, décidée en janvier dernier ?
 
C'est une décision notable dans la situation actuelle, et qu'ils aient libéré des figures de l'opposition comme Merera Gudina est un geste fort. Mais les autorités ont également amnistié des personnes accusées d'être liées à Ginbot 7, un mouvement d'opposition armé. Leur base est située en Érythrée, pays avec lequel l'Éthiopie est à couteaux tirés depuis des années. La libération de certains de ses militants est un geste très significatif. Libérer des gens accusés de faire partie d'une organisation légalement considérée par le pays comme terroriste, c'est tout de même un geste extrêmement fort.
 
La contestation est forte dans le pays depuis 2015. La société civile manifeste très régulièrement pour affirmer son mécontentement. Les revendications de l'époque sont-elles toujours les mêmes aujourd'hui ?
 
Ce qui a changé, c'est la quantité de personnes qui manifestent. Dès le départ, les principaux foyers de contestation, l'Oromia – région la plus riche et la plus peuplée – et la région Amara, ont réclamé l'application stricto sensu de la Constitution. C'était leur revendication première. Mais la persistance de ces manifestations et leur intensification ont fait que la principale revendication de la population en Oromia est : « Nous sommes la région la plus peuplée, la plus riche, nous voulons avoir une place correspondante à notre importance dans le système fédéral. » Comprenez la première. Ils revendiquent aujourd'hui des postes pour les représentants de leur ethnie, en proportion de la population qu'ils représentent, à savoir entre 35 et 40 % de la population. Ils réclament également un partage des ressources correspondant, et des places aux directions des entreprises du secteur public, qui est gigantesque en Éthiopie : il représente les deux tiers de l'économie.
 
La question de la propriété foncière fait-elle partie des revendications des manifestants ?
 
Ça n'est pas vraiment un point prioritaire, en tout cas pour les Oromos. Ils ne sont pas partisans de l'agencement de la propriété foncière. Une partie de l'opposition, que l'on pourrait qualifier de libérale dans le sens économique du terme, elle, veut la privatisation de la terre. Les Oromos, pour le moment, n'en veulent pas, car ils ont peur, compte tenu de la faiblesse de leurs moyens financiers, d'être spoliés de leurs terres à cause des mécanismes de marché. Donc, la question de la terre n'est pas centrale aujourd'hui dans le débat politique.
 
Le pays peut se targuer d'avoir une des croissances les plus fortes du continent. La situation politique et sociale peut-elle fragiliser cet équilibre ?
 
Tout ce qui se passe actuellement menace l'économie du pays, dans la mesure où l'Éthiopie a fait le pari d'avoir pour moteur de son développement les investissements étrangers. Or, on constate qu'après avoir augmenté considérablement ces dernières années, ces investissements extérieurs ralentissent. C'est un fait qui très certainement inquiète les dirigeants éthiopiens. C'est dans ce domaine précis que se mesure l'influence de l'étranger sur le pays : elle n'est pas politique, mais économique.
 
Est-ce que la construction du barrage de la Renaissance dont on dit qu'il va être le plus grand barrage hydroélectrique d'Afrique peut être ralentie dans ce contexte ?
 
Le barrage est fortement impacté par de gros problèmes financiers autour de sa construction. L'entreprise italienne Salini qui le conduit a publié à ce sujet un document où elle se plaint d'impayés de la part de l'État éthiopien. On sait donc que le paiement des travaux n'est pas assuré de façon régulière. Une situation qui ne s'arrangera pas si le pays continue de perdre ses investisseurs étrangers sur lesquels il s'appuie pour maintenir sa croissance.

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