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Mali : quand les serviteurs de la justice se rebiffent


Mali : quand les serviteurs de la justice se rebiffent
Une salle d'audience dans le tribunal de la commune I de Bamako : les magistrats sont aux abonnés absents. | PHOTO: Olivier Dubois
REPORTAGE. Face au manque de moyens qui va jusqu'à menacer leur sécurité, les magistrats maliens ont décidé de répliquer en réclamant l'application des accords signés avec le gouvernement. Plus que jamais, la situation est grave.
 
Depuis une bonne dizaine de minutes, dans la salle d'audience correctionnelle située au rez-de-chaussée du tribunal de la commune 1 de Bamako, l'ambiance est électrique. Nous sommes le 11 juillet, il est 9 heures et les deux détenus encadrés par leurs surveillants, quoique assis, sont pas mal agités. Comme souvent le mercredi, cette audience publique affiche complet : hommes de loi, étudiants, curieux, riverains venus chercher des documents administratifs dans les guichets de fortune installés là par manque de moyens, parents des prévenus et proches de la partie civile, c'est une foule hétéroclite qui se masse, plongeant la petite salle d'audience aux murs défraîchis et humides dans un grand brouhaha.
 
Hawa Dembéle, substitut du procureur, rejoint sa place sur le banc du ministère public. Inquiète de la tension palpable qui règne dans la salle d'audience, elle cherche du regard l'unique garde armé du tribunal qui a accepté, plus tôt dans la matinée, alors qu'il n'était pas en service, de venir travailler, car les deux gardes normalement affectés à cette fonction avaient été rappelés par leur hiérarchie. Une situation loin d'être inhabituelle dans ce tribunal bamakois. La présidente de la cour donne de la voix pour réclamer le calme, la greffière est prête à retranscrire les débats, l'audience reprend. L'avocat d'un des prévenus se lève et s'apprête à donner sa plaidoirie, mais des éclats de voix brisent le silence relatif de la première chambre.
 
Au fond de la salle, le garde en faction a un accrochage avec un individu au comportement agressif. Le ton monte, l'assistance assiste, étonnée, à cette scène insolite. La présidente ordonne que l'on se saisisse de l'importun et qu'on le sorte du tribunal. Le garde tente de le ceinturer, mais l'individu résiste. Seul, il a du mal à le maîtriser, et une bagarre éclate. La présidente et la substitut du procureur se lèvent et ordonnent à nouveau qu'il soit sorti. L'individu dans un mouvement se dégage, porte la main à sa ceinture et dégaine un pistolet qu'il brandit en l'air. La panique envahit la salle d'audience, certains se jettent au sol, tandis que d'autres se ruent vers l'autre extrémité de la salle.
 
Dans la peur et la confusion générale, l'homme parvient à gagner la sortie, poursuivi jusque dans la rue par le garde, mais le fuyard est déjà loin. La foule est choquée. L'audience est suspendue en urgence. Les détenus renvoyés à leur centre de détention, et pour l'heure, après ce très singulier incident, le droit ne pourra être dit dans la première chambre du tribunal de la commune I de Bamako.
 
Entre menaces et insécurité
 
Cet incident, qui pourrait passer pour un fait divers, est loin d'être un cas isolé, car un peu partout sur le territoire malien, des magistrats, parfois seule autorité étatique dans des zones de non-droit où l'État est peu ou pas présent, sont confrontés au quotidien aux menaces et à l'insécurité. L'enlèvement le 16 novembre 2017 du juge Soungalo Koné, président du tribunal d'instance de la localité de Niono, dans le centre du Mali, par des hommes armés, deux semaines après une embuscade qui avait visé un haut magistrat dans le centre du pays, a plongé la corporation des magistrats dans la stupeur et le désarroi. «  Notre collègue Soungalo Koné a été enlevé il y a 9 mois déjà, il est diabétique et fait de l'hypertension, nous n'avons aucune nouvelle de lui et nous ne savons pas si quelque chose a été tenté par le gouvernement pour le retrouver. À Niono, après qu'il ait été enlevé, les autorités ont envoyé 3 gardes là-bas pour sécuriser le tribunal. Quelques semaines après, ils en ont retiré deux et les magistrats ont été contraints de retourner y travailler », explique Hawa Tidiane Keita Dembélé, substitut du procureur, entrée en justice il y a 9 ans. « Pour leur protection, ils ont été obligés de louer, à leur charge, des maisons à Ségou à quelques centaines de kilomètres de Niono, car ils doivent dormir dans des endroits différents pour leur propre sécurité. Ils se lèvent chaque matin, prennent leurs voitures personnelles, paient leur carburant, pour se rendre au travail et la plupart du temps sans escorte », poursuit Mme Dembélé.
 
La grève déclenchée
 
Le 3 août dernier, quelques semaines après l'incident survenu dans la commune I de Bamako, les magistrats se sont mis en grève. Partout dans le pays, la majorité de ces quelque 600 hommes et femmes ont débrayé à l'unisson, à l'appel des deux principaux syndicats, le SAM (Syndicat autonome de la magistrature) et le SYLIMA (Syndicat libre des magistrats). Un mouvement de grève temporaire qui a muté, devant la non-prise en compte de leurs deux revendications principales : la sécurisation des juridictions et du personnel judiciaire et l'application de la grille salariale annexée au statut des magistrats, en grève illimitée. « Les magistrats sont en première ligne, ils envoient chaque jour, semaine ou mois, de nombreuses personnes en prison. Ces gens-là, quand ils sortent, ils n'ont pas oublié nos visages. Nous par contre, on ne les reconnaît pas », lâche désabusé Modibo Diarra, gréviste, président du tribunal de Kita, une zone extrêmement sensible. « Chez moi, à Kita, il y a un seul garde chargé de sécuriser tout le tribunal ! Dans certaines juridictions, il n'en ont même pas, ça nous laisse à la merci de tout le monde », déplore le magistrat.
 
Des magistrats mal payés...
 
Louer, pour leur protection, des services de sécurité privée, qu'ils devront payer de leur poche, ces magistrats s'y refusent, car « le gouvernement avait promis d'y remédier » et leur maigre salaire ne le leur permet pas. Au Mali, les bases de rémunération des magistrats sont parmi les plus basses de l'espace Cedeao, ces agents de l'État ne disposent pas véritablement de prise en charge au titre de la sécurité sociale, de l'aide et de la protection sociale. La profession semble marquée par le sceau de la paupérisation. Les tribunaux dans lesquels ils exercent sont généralement des bâtiments vétustes, dotés d'instruments de travail en mauvais état ou inadaptés, un manque de moyens flagrant, second coup porté à une corporation déjà soumise à rude épreuve.
 
Un magistrat débutant au Mali gagne à peu près 100 000 FCFA (150 euros) de salaire par mois pendant ses 4 premières années d'exercice. Un magistrat de grade exceptionnel (qui est proche de la retraite) est payé dans les 800 000 FCFA (1 215 euros). Le Mali est le seul pays qui dote la justice en lui affectant moins d'un pour cent de part du budget national. Tous les voisins du Mali sont à deux, voire trois pour cent, qui est le niveau indiqué dans le cadre des engagements communautaires.
 
... par rapport à leurs confrères de la sous-région
 
« En comparaison, les autres pays de la sous-région ont déployé de gros efforts d'amélioration de leur justice : au Niger, le salaire d'un magistrat débutant est de 700 000 francs CFA (1 063 euros) environ ; en Côte d'Ivoire, le salaire des hauts magistrats, tels que le Premier président de la Cour suprême ou le procureur général s'élève à 5 millions de francs CFA (7 560 euros). Au Sénégal, rien que la prime de judicature s'élève à 800 000 FCFA, ce qui veut dire que le magistrat débutant sénégalais a une prime qui égale les primes et salaire mensuels d'un magistrat de grade exceptionnel malien qui a fait à peu près 30 à 40 années de service », détaille froidement Hady Macky Sall, président du SYLIMA, l'un des deux principaux syndicats de magistrats, qui tient à rappeler qu'un État ne saurait remplir ses fonctions régaliennes sans fournir aux personnels de la justice une rémunération et des moyens budgétaires nécessaires à son action et à son indépendance. « On est entré dans ce métier par vocation, parce qu'on aime ce que l'on fait », soupire Hawa Dembélé, « si on voulait faire de l'argent, on serait devenus avocats, parce qu'eux, ils peuvent fixer leurs prix. On n'est pas là pour s'enrichir, on ne veut pas vivre de la corruption, on veut juste vivre dignement avec ce que l'on gagne », explique-t-elle.
 
© Olivier Dubois
 
Mauvaise image
 
Dans le pays, la population a généralement une mauvaise image des magistrats, souvent considérés comme « la bouche qui rend la loi », une autorité d'application soumise aux pouvoirs politiques légitimes issus du suffrage universel, constituée de bureaucrates bien payés et corrompus. « Nous ne sommes pas des fonctionnaires, nous sommes des agents de l'État, nous sommes le pouvoir judiciaire, un pouvoir égal au pouvoir législatif et exécutif, et ça, c'est la Constitution qui le dit », assène Hady Macky Sall, qui ajoute : « Vous savez, au Mali on ne veut pas d'une justice indépendante. Je pense que le fait que les juges soient laissés dans la précarité est fait exprès par le gouvernement. C'est une façon de nous tenir en laisse, de nous rendre serviables à souhait. Ce ne sont pas des paroles en l'air ! car quand on veut une justice indépendante et forte, on met la justice dans les conditions de travail. »
 
Un constat que partage la substitut du procureur de la commune I : « La population a la justice qu'elle veut, quand la justice n'est pas mise dans les bonnes conditions, c'est toujours une justice biaisée qui sort. On parle de corruption et rien au monde ne peut la justifier ou l'excuser, mais les magistrats sont des hommes et des femmes comme tout le monde. Malgré leur précarité, ils doivent subvenir aux besoins de leur famille. Alors, si quelqu'un vient lui dire, tenez prenez 50 000 FCFA pour faire une petite signature, Pensez-vous, dans les conditions de précarité dans lesquels ils vivent, qu'il sera en mesure d'avoir la force de résister et de refuser ? », interroge Mme Dembélé, qui souhaite avec force pouvoir exercer une « justice de qualité » exempte de toutes tentations, indépendante comme le stipule la Constitution, car, rappelle-t-elle, « Quand une justice est forte, elle est crainte et l'État file droit ».
 
Un bras de fer engagé avec l'exécutif
 
Depuis plus d'un mois, les magistrats sont en colère, ils le font savoir et comptent bien se faire entendre du gouvernement. Depuis 2014, ils ont soumis à l'État leurs doléances, dénoncé leur précarité, les conditions déplorables de travail et d'insécurité qu'ils connaissent au quotidien et qui rendent très difficile un exercice indépendant et serein de la justice. Mais ces doléances au gré des tractations et des négociations se sont réduites comme peau de chagrin. « Nous avons commencé les négociations avec le gouvernement en 2015 pour parvenir à un premier accord en 2016 et cet accord devait être mis en application au plus tard le 30 mai 2017, Nous sommes aujourd'hui plus d'un an après cette date et le gouvernement n'a toujours pas honoré son engagement », indique Aliou Badra Nanacassé, président du syndicat autonome de la magistrature.
 
Des promesses non tenues
 
Entre 2016 et 2018, sur les 27 points que comptait la liste de leurs doléances dont la réalisation était chiffrée à plus de 30 milliards, 2 points seulement, concernant la sécurisation des juridictions et du personnel judiciaire et la révision de la grille salariale annexée au statut des magistrats, ont subsisté avec une incidence financière ramenée à deux milliards de FCFA environ.
 
Le gouvernement a satisfait partiellement certains points, notamment la revalorisation de la prime de judicature, qui a été augmentée de 100 000 FCFA, de la prime de logement et l'augmentation de l'indice salarial qui a été relevé de 10 points, ajoutant à peu près 4 000 FCFA de plus sur leur salaire, une hausse salariale jugée dérisoire. « Le gouvernement s'était engagé pour que le reste de nos revendications salariales soit traité dans le cadre de la relecture de notre statut. En 2017, le ministre de la Justice de l'époque, Me Mamadou Ismaila Konaté, nous a appelés pour nous dire qu'il a eu l'onction du gouvernement pour continuer les négociations conformément aux engagements pris. Les discussions ont été âpres et longues. Finalement nous avons validé avec les partenaires financiers, la société civile, le ministère de l'Économie et des Finances, le ministère du Travail et le ministère de la Justice, une grille salariale accordant à un magistrat en début de carrière un salaire brut de 280 000 FCFA et à un magistrat en fin de carrière un salaire brut de 1 million de FCFA, hors impôts et taxes », précise le magistrat, « Mais, à présent, l'actuel gouvernement est en train de renier cet accord en disant que la signature du garde des Sceaux de l'époque n'engage pas le gouvernement », poursuit le président du Sylima. « Nous pensons que le gouvernement et l'État, c'est une continuité, le titulaire peut changer mais le poste et les engagements demeurent », lâche-t-il avec fermeté.
 
Un revirement gouvernemental qui pose question et qui a replongé le pouvoir exécutif et judiciaire dans un bras de fer dont on ne sait encore qui l'emportera. Pour Me Mamadou Ismaila Konaté, avocat, ancien ministre de la Justice, en fonction et partie prenante lors de ces fameuses négociations, « toutes ces revendications légitimes qui ont été discutées avec le gouvernement ont été acceptées. J'ai participé aux négociations qui ont effectivement donné lieu à une convention qui a repris l'ensemble de ces points. La reculade est intervenue à l'occasion de la mise en œuvre, c'est totalement regrettable. Pour moi, le gouvernement s'est engagé en pleine connaissance de cause. Et la loyauté commande que l'on honore ses engagements ou que l'on explique les raisons pour lesquelles on ne peut les tenir », affirme l'ancien ministre.
 
Le nouveau ministre s'engage mais...
 
Dans ce conflit qui oppose gouvernement et syndicat, la figure du ministre de la Justice, le ministre de tutelle, semble quelque peu paradoxale, lui qui doit à la fois s'inscrire dans la ligne gouvernementale et en même temps être le rempart contre toutes atteintes à l'indépendance de la justice, positionnement très bien incarné par l'actuel et consensuel locataire du ministère, Tiena Coulibaly. « En arrivant au ministère, j'ai pris connaissance de ce débat qui existait quant à savoir si oui ou non une promesse d'engagement a été prise par l'État et sur laquelle le gouvernement aurait fait volte-face. Je pense qu'il y a un retard par rapport à la proposition que l'État devait faire sur le reste de leurs prétentions, mais considéré qu'un engagement formel a été pris et que l'État n'a pas honoré cet engagement, n'est pas tout à fait la compréhension que nous avons de la chose, mais dans tous les cas sur l'une ou sur l'autre question, ce qui est important, c'est que nous laissions tomber les questions de susceptibilité et d'incompréhension pour parvenir à l'essentiel, qui est que sur la question salariale et sur la question de la sécurisation, l'État va faire des propositions », indique le ministre qui considère qu'il ne peut y avoir de « solution facile » pour le gouvernement comme pour les syndicats dans ce conflit, « si nous sommes d'accord que la solution est celle de la discussion, cela prendra beaucoup de temps pour trouver un accord, mais les problèmes du pays générés par cette grève ne peuvent pas attendre. Pour cette raison, je leur demande d'accepter de faire le pari du Mali, de faire le sacrifice pour le Mali, de commencer à travailler, et je prends l'engagement que toutes leurs doléances seront étudiées et discutées jusqu'à ce qu'un jour on arrive à un accord. Je n'ai pas dit que nous allons accepter tout ce qu'ils ont demandé, mais je me battrai pour qu'un accord soit trouvé », stipule le ministre.
 
... que vaut la parole du gouvernement ?
 
Une main tendue et des arguments jugés non recevables par les grévistes, qui après 4 ans de négociation ne veulent plus attendre pour voir leurs doléances honorées. « La position du ministre de la Justice est la même que celle du Premier ministre. Le gouvernement est dans une logique de commanditer « une étude de faisabilité » des différents engagements pris par l'État sur le plan financier. Nous avons perdu 4 années en discussions et après on vient nous dire à nouveau que le gouvernement est dans la logique de faire des études, de faire de longues négociations, mais depuis 2016 ils disent ça ! » s'agace Hady Macky Sall. « Nous, nous voulons que soit appliqué l'engagement financier pris entre le gouvernement et nous, qu'il l'exécute ! Pour la fête en grande pompe du 22 septembre, ils ont mis plusieurs milliards pour montrer à la communauté internationale leurs muscles, alors qu'ils ne sont pas capables de protéger leurs magistrats, ils trouvent les ressources nécessaires pour le faire, mais quand il s'agit des demandes justifiées de tout un pouvoir constitutionnel qui est la justice, on nous dit que l'État n'a pas les moyens », poursuit-il, « la masse salariale de l'Assemblée nationale est passée de 9 milliards à 17 milliards au cours d'un seul exercice budgétaire alors que les parlementaires ne sont que 147. Nous, nous sommes 600 et nous demandons une augmentation dont l'incidence financière ne fait que 2 milliards et ils pensent que c'est trop pour nous. Ce n'est que du mépris ! S'ils ne sont pas capables, s'ils ne peuvent pas, ils n'ont qu'à quitter le pouvoir », assène le magistrat.
 
Un bras de fer engagé avec l'exécutif
 
Signe d'un durcissement de ton entre le camp gouvernemental et les syndicats, le gouvernement malien a procédé ce mois de septembre à la retenue sur les salaires des magistrats. En réponse, les magistrats maliens, qui considèrent que cette suspension salariale va les radicaliser, à travers leurs syndicats, ont révélé dans un communiqué, lundi 24 septembre, la versement opaque par l'actuel ministre des Finances de 3 500 000 000 FCFA, sans consultation, en dédommagement à un opérateur économique consécutivement à la crise au nord du pays. « En tant que magistrat, nous ne pouvons pas parler sans preuves. Nous avons la preuve de ce que nous affirmons. Nous avons nos réseaux, nous avons eu cette information et même les pièces capitales qui le prouvent », affirme Hady Macky Sall, « malheureusement ce ne sont pas les magistrats qui peuvent poursuivre directement les ministres en fonction, ça appartient à la Haute Cour de justice, les magistrats ne peuvent que dénoncer. Ce sont les députés qui siègent à la Haute Cour de justice, pas les magistrats. Dès que nous en avons été informés, nous avons diffusé cette information pour alerter le public sur ces dérives », tient-il à préciser.
 
Un pays paralysé juridiquement
 
En attendant, le dialogue entre gouvernement et syndicats est rompu. Les négociations au point mort. Le gouvernement campe sur ses positions et les syndicats se sentent insultés. Du fait de la grève illimitée du pouvoir judiciaire, le pays est complètement paralysé, comme en catatonie. Les prisons regorgent de détenus en garde à vue, en détention préventive ou dont l'état de jugement est dépassé. Les dépôts de demandes de certificat de nationalité, de casier judiciaire, ou registre du commerce ne fonctionne plus, pénalisant la population et engrangeant des pertes économiques pour le moment encore difficilement quantifiables. Un état de fait qui remet en question, pour nombre de Maliens, la justesse de cette grève aux graves conséquences. « Cette grève traduit le mal-être du juge, la parodie de justice et le caractère impossible d'un État de droit et de démocratie en lesquels personne, même pas au plus haut sommet de l'État, ne croit. Actuellement, la mode est aux équipements militaires pour combattre l'ennemi. Mais le premier ennemi est l'injustice et l'impunité. Ne regardons pas le juge dans son attitude de personne mal perçue pour lui arracher ce à quoi il a droit. La grandeur d'âme d'une gouvernance devrait se traduire par le regard des gouvernants vers et en faveur de la justice », avertit l'ancien garde des Sceaux Mamadou Ismaila Konaté.
 
Une dernière chance nommée IBK ?
 
Après plus d'un mois de blocage, les scénarios de sortie de crise semblent épuisés. Les leaders religieux ont été appelés à la rescousse la semaine dernière pour tenter une médiation qui pour l'instant s'est surtout bornée à une prise de contact et d'information auprès des différentes parties. Pourtant, même si dans le camp gouvernemental on se dit « ouvert au dialogue » et du côté des syndicats on assure, « ne pas fermer la porte », la situation s'enlise, et le président de la République Ibrahim Boubacar Keita, récemment réélu, premier magistrat malien, car président du Conseil supérieur de la magistrature, garant de l'indépendance du pouvoir judiciaire, pourrait être la seule autorité en mesure de trancher et de mettre les magistrats dans leur droit. « Le décret et nos statuts sont passés en conseil des ministres à peu près 8 fois et ça n'a pas été adopté, ce qui veut dire que la réticence au niveau du gouvernement est palpable. Nous ne voulons plus avoir à faire à des ministres ou des conseillers techniques. Le président IBK est, en vertu de la Constitution, garant de l'indépendance de la justice, donc il n'y a que lui qui puisse arbitrer dans ce dossier. Il a prêté serment en jurant de respecter la Constitution, donc nous lui faisons confiance, il est le chef suprême, on ne doute pas qu'il soit la solution à notre problème », soutient Hawa Dembélé.
 
L'urgence de maintenir le dialogue
 
Pour Mamadou Imaila Konaté, « il faut dialoguer et agir, impérativement et le plus vite, car l'État y perd en crédibilité. Il est à craindre que d'autres corporations emboîtent le pas aux juges. Pendant cette grève, des personnes sont illégalement arrêtées et gardées sans que personne ne trouve à redire et la lutte contre la corruption ne peut être envisagée sans les magistrats. De même pour la poursuite des crimes de violence basée sur le genre, du terrorisme qui tue tous les jours des populations innocentes et naïves ». Pour lui, rien de tout cela n'est concevable ni envisageable sans la justice, donc sans le juge. « On essaie de sauver une justice correcte », lance Hady Macky Sall, « nous, nous voulons changer la tendance, nous voulons incarner une vraie justice qui contribue à l'édification du pays, une justice qui joue pleinement son rôle », déclare avec conviction le jeune magistrat. Un vœu pieux, une supplique en forme d'injonction lancée aux autorités du pays, qui, si elles considèrent que la justice et la démocratie sont indissociables, devront nécessairement hisser le pouvoir judiciaire à leur niveau, car quand la justice dysfonctionne, non seulement la démocratie est mise à mal, mais avec elle, la société tout entière.

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